Après l’épreuve : le rôle clé de la résilience sur le cerveau
Conséquence directe d’un événement perçu comme violent, le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) revêt mille et un visages : souffrance morale, douleurs physiques, troubles divers, notamment en lien avec le système neurovégétatif, altération des relations sociales… Le pourcentage des victimes de choc émotionnel ou psychique qui voient leur qualité de vie durablement perturbée oscille entre 20 et 50 % selon l’origine du traumatisme. Pourtant, il est possible de surmonter une épreuve, aussi difficile soit-elle et de retrouver le chemin de l’équilibre intérieur. Cette faculté à rebondir s’appelle la résilience et l’on sait aujourd’hui qu’outre le fait de redonner du sens et du goût à la vie, elle favorise également la croissance de nouvelles connexions neuronales ! Découvrez comment la thérapie et la plasticité du cerveau redonnent des couleurs à l’avenir des traumatisés !
Le traumatisme, causes, mécanismes et effets
Un traumatisme est le plus souvent un événement brutal et perturbant : accident, attentat, agression, séparation, deuil, maladie… Il peut être aussi la conséquence de violences intrafamiliales, de maltraitances, d’inceste, de harcèlement, de faits de guerre, de catastrophe naturelle… Bien évidemment, il marque les victimes, mais il peut aussi affecter les témoins de ces actes.
Chaque personne vit la charge émotionnelle et traumatique de manière singulière, selon son tempérament, son parcours de vie et son environnement : face à un même événement, la réaction de chacun diffère.
L’impact de la blessure psychique sur le cerveau
Cet organe noble est sensible aux violences, surtout celui des personnes vulnérables comme les enfants ou les personnes âgées… En cas de danger pour l’intégrité physique ou mentale, le cerveau passe en mode automatique pour éviter une surtension émotionnelle. Ce phénomène d’adaptation instinctif active des réflexes physiologiques (accélération du rythme cardiaque, sueur, attitudes de fuite ou de défense…) qui disparaissent plus ou moins rapidement.
Cependant, le stress inhérent à l’événement peut aussi venir s’ancrer durablement dans le fonctionnement de la victime, c’est ce que l’on appelle le syndrome de stress post-traumatique, le SSPT.
Un poison psychique tentaculaire
Le SSPT engendre des maux tels que cauchemars, insomnies, anxiété, crises de panique, irritabilité, dépression, mais les 3 principaux symptômes sont :
- la reviviscence du souvenir traumatique, des flashbacks où la scène est revécue dans son intensité émotionnelle et physique, avec ses images, ses bruits et ses odeurs,
- la mise en place de stratégies d’évitement préjudiciables tant sur le plan personnel que familial et social,
- un sentiment de peur permanent, même loin de tout danger potentiel, avec à la clef une hypervigilance.
Dans ce cas, les atteintes du cortex entraînent une baisse des connexions neuronales, des dysfonctionnements émotionnels, des troubles de la mémoire et de la concentration, des affections psychotraumatiques et une modification de la régulation du stress.
Dans les cas les plus graves, l’état de sidération face au traumatisme est tel que les mécanismes de survie déclenchent une forme d’anesthésie émotionnelle, un état de dissociation, voire une amnésie traumatique. L’événement est en quelque sorte mis de côté par le cerveau. Toutefois, la souffrance reste bien présente dans l’inconscient et ce n’est parfois que de nombreuses années après que l’abcès éclate, quand il devient impossible de faire taire le corps et l’esprit.
Il est utile de se questionner sur une éventuelle origine traumatique lorsqu’une personne manifeste un ou plusieurs des symptômes suivants :
- des troubles anxieux, de l’humeur ou du comportement,
- des troubles alimentaires,
- des problèmes de sommeil sans raison apparente,
- une peur spécifique comme une phobie scolaire,
- des douleurs chroniques, maux de tête, fatigue inexpliquée,
- des addictions,
- des pensées suicidaires…
Cependant, il est important de savoir que cet état de stress n’est pas une condamnation à perpétuité. On peut s’alléger du poids d’un traumatisme et rebondir. On parle alors de résilience et celle-ci a des effets surprenants sur le cerveau !
Résilience et neurosciences
C’est Boris Cyrulnik, neuropsychiatre bien connu du public, qui, le premier a mis en évidence la notion de résilience. Il s’agit de la capacité à se reconstruire, à se rétablir et à retrouver un équilibre malgré une épreuve traumatique. Elle n’efface pas le souvenir du traumatisme, mais permet de vivre avec de manière satisfaisante.
La résilience est un processus qui s’établit dans le temps et il est désormais prouvé par la science, imagerie médicale à l’appui, que cette transformation de l’expérience est rendue possible par la plasticité cérébrale. La résilience s’appuie sur l’aptitude du cerveau à se réorganiser pour activer et stimuler le retour à un équilibre favorable à la santé mentale.
Nous avons vu que les mécanismes de contrôle de l’activité cérébrale qui s’activent lors d’un traumatisme occasionnent une confusion dans la régulation des circuits émotionnels et de la mémoire. Le cerveau crée des circuits pour permettre à la victime de survivre.
Des chercheurs ont démontré que ces mécanismes évoluent avec le temps et se normalisent à travers des reconnexions neuronales pour neutraliser l’accès aux souvenirs douloureux. Chaque centre essentiel du cerveau (amygdale, hippocampe et cortex frontal) reprend peu à peu son juste fonctionnement. Cela modifie de facto la réponse aux stimuli du stress post-traumatique et par ricochet, met un terme à ses conséquences.
Cet “effet résilience”, allié à la malléabilité cérébrale, active un cercle vertueux, moteur de la reconstruction. Cependant, un professionnel de la gestion traumatique peut donner un coup de pouce au facteur temps !
Les clés pour cultiver la résilience et rebondir
Il est important de ne pas rester seul et d’évacuer les éléments du passé qui plombent négativement le présent et hypothèquent l’avenir.
Tout d’abord, il est capital de reconnaître sa souffrance, sans la minimiser. Dans les premiers temps, le soutien affectif est capital. Parler à ses proches ou au sein d’un groupe, mettre des mots sur son traumatisme est essentiel pour évacuer la pression. Cela permet aussi de prendre conscience de ses ressources personnelles et de les mobiliser.
Mais lorsque la tristesse ou la peur s’installent, lorsque les maux deviennent insurmontables, faire appel à un professionnel est nécessaire.
Différentes approches existent, parmi lesquelles la thérapie brève.
L’écoute et les échanges avec un praticien sont d’un grand secours, mais en matière de gestion du stress post-traumatique, des avancées remarquables ont été faites au cours du dernier quart de siècle.
Des outils thérapeutiques spécifiques s’appuient sur la neuroplasticité pour développer la résilience.
L’EMDR, la thérapie par le mouvement bilatéral des yeux retraite les informations non assimilées par le cerveau. Ce protocole strict permet de “digérer” l’épreuve et de la désensibiliser. Elle est particulièrement efficace pour réduire l’impact émotionnel et mettre de la distance avec les souvenirs traumatisants en seulement quelques séances.
Un thérapeute formé peut également recourir à l’hypnose pour reprogrammer certaines perceptions, ou sur la photostimulation pour activer la création de nouveaux circuits neuronaux.
Rien n’est figé ! Le corps humain est capable de transformer une blessure en nouvelle force intérieure. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il faut comprendre la fameuse citation de Friedrich Nietzsche “Ce qui ne te tue pas te rend plus fort”. Celle-ci n’est pas qu’une ode au développement personnel, mais illustre bel et bien la capacité d’auto-dépassement de chacun face à l’adversité…
La résilience est au carrefour du vécu, des ressources personnelles et de la plasticité neuronale. C’est un chemin unique où chacun avance à son rythme. S’accorder de la bienveillance et le droit de vivre à nouveau est gage de confiance, d’estime, de sérénité et de joie, seules clés de l’épanouissement et du bonheur. J’aime à dire que la résilience, c’est un peu comme le kintsugi, cet art japonais ancestral qui consiste à réparer les poteries avec des soudures à la poudre d’or. Les failles traumatiques deviennent des cicatrices qui confèrent à chaque personne qui se relève, toute sa beauté et son unicité…