Les violences sexuelles faites aux jeunes enfants sont un fléau à l’échelle mondiale. Bien que les données statistiques soient déjà alarmantes, il est malheureusement probable que la réalité dépasse les chiffres annoncés par l’OMS ou l’UNICEF. Ce qui est réellement mesurable par contre, ce sont les dégâts causés à long terme par ces agressions, notamment sur le plan cérébral. Car si le cerveau de l’enfant sait mettre en place un mécanisme de défense efficace pour le protéger, celui-ci s’avère destructeur pour l’adulte en devenir. Savoir identifier les maux et quelle réponse apporter au stress post-traumatique est essentiel pour en finir avec la souffrance, même emmagasinée depuis de longues années.
Le traumatisme sexuel précoce, ce destructeur
Lorsque le corps d’un mineur est utilisé à des fins sexuelles, quelle que soit l’activité, il s’agit de violences sexuelles, que l’enfant en ait conscience ou non, qu’il y ait un acte de pénétration ou non.
Ainsi, sont considérées comme telles :
- l’agression sexuelle (viol, attouchements),
- l’inceste,
- l’exhibition sexuelle,
- le harcèlement sexuel,
- l’encouragement à des comportements inadaptés,
- l’accès à la pornographie, sa production pédophile et son exploitation.
Partout dans le monde, 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 subit des violences sexuelles (source OMS) avant l’âge de 18 ans. La plupart du temps, la petite victime est âgée de 6 à 12 ans et son agresseur est un proche, un homme dans 94 % des cas.
En France, on estime que chaque année 160 000 enfants vivent ce type de traumatisme. Ces actes sont encore trop largement tus puisque parmi eux, moins de 10 % dénoncent les faits.
Les raisons de ce silence sont multiples, on y trouve pêle-mêle, le tabou, la peur, la honte, la culpabilité, surtout quand l’agresseur est un membre de la famille…
Ce n’est que bien plus tard, souvent à l’âge adulte, que les faits sont révélés.
De l’acte unique aux actes répétés, toutes ces formes de violences entraînent un large spectre de séquelles psychologiques, physiques et sociales.
Les souffrances d’un enfant abusé s’expriment à travers des symptômes corporels (état de choc, difficultés à s’asseoir, douleurs ou démangeaisons des parties génitales), par un discours à connotation sexuelle ou par un changement brusque de comportement : anxiété, nervosité, mutisme, inhibition, peurs spécifiques, cauchemars, perte d’attention, difficultés relationnelles, chute des résultats scolaires…
Il est capital de porter attention à tous ces appels silencieux et de faire un signalement au moindre doute, par exemple en appelant le 119, un service national dédié à l’enfance en danger, accessible 24h/24, 7j/7. Ces spécialistes savent faire face à toutes les situations de maltraitance.
Un soutien positif, surtout celui des parents, est une condition essentielle pour réduire l’impact de ces violences. Un enfant qui peut parler de ce qu’il a vécu et qui est pris en charge par des professionnels a plus de chance d’éviter des conséquences qui peuvent être graves à long terme.
Le traumatisme sexuel de l’enfant et ses blessures d’adulte
Les violences infantiles affectent particulièrement le cerveau. Des études scientifiques ont démontré que certaines zones du cortex peuvent diminuer leur volume de 30 % et que certaines connexions neuronales présentent ensuite des dysfonctionnements, sources de troubles psychotraumatiques.
Elles attestent également de modifications épigénétiques et de difficultés à réguler le stress.
Les personnes traumatisées endurent des maux incompréhensibles, parfois douloureux, sans forcément établir le lien avec la cause originelle. Le psychotraumatisme touche durablement leur qualité de vie et leur santé, physique ou mentale.
Les agressions sexuelles dans l’enfance sont un facteur de risque accru qui laissent des traces indélébiles, conscientes ou non. Leurs répercussions varient selon la personnalité et l’âge de la victime, la nature des faits, leur fréquence et le lien avec l’agresseur.
Certains signes sont caractéristiques :
- manifestations neurobiologiques, retard de développement,
- colère, agressivité,
- méfiance, peur, obsessions, phobies,
- faible estime de soi, perception de l’image corporelle faussée,
- syndromes dépressifs,
- isolement social, problème d’adaptation,
- comportements inadéquats, autodestructeurs, tentative de suicide,
- rapports complexes à la sexualité,
- troubles alimentaires ou du sommeil,
- addictions…
L’amnésie traumatique, l’ultime mécanisme de défense
Le stress inhérent à une situation qui présente une menace ou une atteinte à l’intégrité physique et psychologique peut être tel qu’il engendre une amnésie traumatique dissociative.
Ce mécanisme se déclenche lors d’un événement traumatisant comme la guerre, un attentat, une agression. Pour faire face à la sidération et à des émotions intenses comme la peur de mourir, l’horreur ou la terreur, le cerveau active un mode on/off via l’amygdale, une glande cérébrale dédiée aux instincts primitifs de sauvegarde, de survie.
Ce faisant, il disjoncte et crée ainsi intentionnellement une rupture salvatrice entre l’événement, les émotions et la mémoire. Le fait n’est pas traité par le cerveau : le souvenir est là, dans le brouillard, il est dissocié.
L’amnésie post-traumatique est partielle ou totale et peut durer de quelques semaines à plusieurs dizaines d’années. Tant que cette plaie tapie dans un coin n’est pas cicatrisée, l’organisme la somatise par une absence de repères, de souvenirs sur une période précise de l’histoire personnelle, par des cauchemars, des troubles du sommeil, des conduites dangereuses (drogues, tabagisme, alcoolisme), une hypervigilance, une dépression, une anesthésie émotionnelle, des angoisses…
Par ailleurs, le souvenir douloureux peut rejaillir d’un coup, à l’évocation d’un nom, d’un lieu ou suite à stimulus sonore ou olfactif. C’est une urgence psychique, car le choc émotionnel est extrême, vécu avec la même intensité que le jour de l’événement.
La prise en charge du stress post-traumatique
La “réparation” des victimes de violences sexuelles dans l’enfance est pluridisciplinaire. Il y a bien sûr le volet judiciaire, capital pour se sentir reconnue et faire condamner l’agresseur.
Le volet psychologique relève d’un travail thérapeutique afin de soulager le poids de la souffrance et d’offrir une meilleure compréhension des rouages internes.
La thérapie du mouvement par les yeux, l’EMDR, permet une désensibilisation et un retraitement de l’information par le cerveau. Elle s’appuie sur un processus naturel en période de sommeil paradoxal : le balayage rapide de l’œil de droite à gauche qui permet l’intégration neuro-émotionnelle des informations.
Cette stimulation bilatérale alternée débloque le souvenir traumatique et le stress qui y est lié. Elle permet d’identifier les faits, de reconnecter les éléments et de les faire “digérer” par le cerveau.
Mise au point aux États-Unis pour apaiser le stress des vétérans de guerre, l’EMDR est reconnue et préconisée par l’OMS.
Cependant, seul un praticien spécifiquement formé à cette méthode et à ses protocoles peut l’employer.
Consulter permet de dénouer des situations personnelles difficiles, car les violences sexuelles prédisposent à d’autres formes de violences, conjugales par exemple, à des conflits, une insatisfaction ou des craintes dans l’intimité. Elles influent également sur le modèle parental, la dépression post-partum…
Face aux abus, le silence n’a plus de place : leur retentissement est trop grave pour se taire. Si vous savez avoir vécu des violences ou si vous vous reconnaissez dans la symptomatologie, faites un premier pas vers la résilience : consultez. L’apaisement est possible à tout âge et votre bien-être psychique et corporel est vital.